RENOVATION, REFONDATION : PEUT-ON RECONSTRUIRE SUR LES RUINES ?
François Hollande a-t-il bien compris la situation ? Dans son intervention au Conseil National de samedi, il part d’un constat : « Il n’y avait pas de dynamique unitaire de la gauche. » Mais au lieu de poser la vraie question, c’est-à-dire se demander pourquoi le Parti Socialiste n’a pas été en mesure de l’instituer, il rebondit par une affirmation quasi incantatoire : « Cette campagne […] fait du Parti socialiste la seule force de l’alternative. »
Il passe ensuite rapidement sur la “rénovation” de son parti pour proposer “une refondation de la gauche”. A ce propos, rien à redire. Mais lorsqu’il expose les conditions de cette refondation, il y a lieu de s’étonner : “ … des regroupements, des constructions […] où il faudrait s’adjoindre et prendre ce qu’il reste du reste de la gauche.”
Si je comprends bien son propos, ce qu’il envisage en clair c’est une O.P.A. sur le Mouvement Républicain et Citoyen, les Verts, le Parti Communiste et le Parti Radical de Gauche. Les deux infinitifs sont clairs. Si “s’adjoindre” c’est joindre à soi, ce peut être aussi mettre à son service un collaborateur dévoué. Quant à “prendre” c’est s’approprier ce qu’il nomme de façon (peut-être) péjorative “le reste de la gauche”.
Alors là, il se met le doigt dans l’œil, l’ami François.
Non seulement il n’est pas certain que les communistes et les Verts soient prêts à se laisser phagocyter, mais il suffit d’écouter ce que disent nos amis, à l’intérieur de notre propre parti, et de lire leurs échanges sur intranet pour comprendre l’état d’esprit qui règne actuellement parmi les militants radicaux.
Par ailleurs, le moment est-il bien choisi pour nourrir une telle prétention ?
Je sais bien que Nietzsche écrivait : “Une grande défaite est aussi une grande victoire.” Mais ce qui est vrai philosophiquement ou sociologiquement vaut-il pour autant en politique ? L’échec de la gauche est avant tout celui du Parti socialiste, la conséquence de son incapacité à se rassembler lui-même à temps, d’éviter les transfuges et les trahisons et de fédérer, au-delà des formations politiques alliées, une majorité de Français.
Or un tel échec est-il de nature à rassembler ? Non, François Hollande continue à fonctionner sur de vieux schémas, une conception des rapports politiques en France qui semble désormais dépassée.
Beaucoup de Français, comme la majorité des Radicaux de gauche ne croient plus à l’antagonisme droite-gauche, et n’en veulent plus. La conception de l’union que propose François Hollande ne peut que les renforcer dans cette conviction. Le vote en faveur de François Bayrou n’en est-il pas d’ailleurs une parfaite illustration ?
Le Parti socialiste n’a toujours pas tiré les conclusions qui s’imposent des 25 dernières années de notre Histoire. En 19881, François Mitterrand l’a emporté non du fait que son parti était fort, mais parce que le P.C. l’était encore suffisamment et qu’il a bénéficié d’une conjoncture particulière à droite. Par la suite, jamais le P.S. n’a été en mesure de concrétiser au plan de sa force militante. C’est uniquement la personnalité et le talent de son leader qui lui a permis de doubler la mise en 1988. Ce dernier disparu, on a assisté à un délitement progressif et inexorable de sa base électorale.
En outre, les débats et les batailles intestines sont en train de le déconsidérer et de l’affaiblir durablement.
La solution pourrait bien se trouver ailleurs.
C’est probablement “la voie républicaine“. Il existe, entre P.S. et U.M.P., un potentiel suffisant de citoyens qui partagent des valeurs communes et le moment semble favorable pour qu’ils réalisent qu’ensemble ils sont en mesure de créer une nouvelle dynamique.
L’union des centres, puisqu’il faut la nommer, dans la situation actuelle, paraît bien la seule issue pour faire front au nouveau pouvoir qui se met en place. Et c’est cette force, jointe à celle d’un Parti socialiste véritablement “rénové”, c’est-à-dire qui ne se contentera pas d’un coup de peinture sur la façade, c’est bien cette force qui permettra de faire aboutir un projet social et humaniste. Et non le projet illusoire de reconstruire sur les ruines.
Christian LEBLANC, Secrétaire fédéral du PRG 90