FRÉDÉRIC VAN ROEKEGHEM - DIRECTEUR DE L'UNION NATIONALE DES CAISSES D'ASSURANCE-MALADIE
« Plus les mesures seront mises en oeuvre vite, plus le retour à l'équilibre sera conforté »
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Frédéric Van Roekeghem. |
Le gouvernement veut équilibrer les comptes de la Sécurité sociale en 2011. Cet objectif est-il tenable ?
Cet objectif est légitime, souhaitable et tenable. Le déficit de l'assurance-maladie a été divisé par trois depuis 2004, mais il reste 4 milliards d'euros à apurer, soit 120 euros par foyer de soins financés à crédit. Et nous devons faire face à la hausse tendancielle des dépenses liée à l'accroissement de la prévalence de pathologies lourdes et chroniques : actuellement, 40 % de la population concentre 90 % des remboursements. Le retour à l'équilibre est néanmoins atteignable, car il reste des marges d'efficience importantes à tous les niveaux. Une hausse des dépenses limitée à 3,3 % en 2009, contre une évolution tendancielle de près de 5 %, constitue un objectif rigoureux mais raisonnable.
Une levée de boucliers généralisée. Telle est la tonalité des réactions au plan de redressement proposé par le directeur de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam). Frédéric van Roekeghem a proposé ce mardi de réduire notamment la prise en charge des maladies chroniques comme le diabète ou graves comme le cancer. Face à un déficit attendu de 4,1 milliards d'euros pour quelque 150 milliards de recettes en 2008, il propose ", dont deux milliards d'économies.
Si le plan est loin de se limiter à elle, une proposition a cristallisé les mécontentements. Elle prévoit de baisser de 100% à 35% le remboursement par la Sécurité sociale des médicaments "à vignette bleue" (dits de confort) pour les malades en affection longue durée (ALD), le reste étant "transféré aux organismes complémentaires" (mutuelles ou assurances privées). Ces malades atteints de pathologies lourdes comme le diabète ou le cancer sont 7,7 millions en France. Ils sont remboursés à 100% et M. van Roekeghem a aussi souhaité que la Sécu limite davantage l'accès à cette catégorie, attendant 250 millions d'économies au total sur ce secteur.
Syndicats de salariés (CGT, CFTC, Unsa, etc.) de médecins libéraux (CSMF, MG-France), partis de gauche et associations de malades ou de handicapés (AFD, Ciss, Fnath) ont très vivement réagi à ces propositions jugées "choquantes", "scandaleuses" ou "inacceptables". La CFTC et le collectif d'usagers de la santé Ciss voient ainsi dans une baisse de la prise en charge des malades chroniques une remise en cause du principe de "solidarité" qui régit la protection sociale en France. La CFE-CGC dénonce une "étape supplémentaire du désengagement de l'Etat", menée "sans aucun débat".
Alors que le PS dénonce "une logique de déremboursements massifs", la CGT juge les propositions du directeur de la Cnam d'autant plus "insupportables" qu'il est déjà "de plus en plus difficile de se soigner du fait de la multiplication des forfaits, des franchises et des dépassements d'honoraires médicaux".
D'autres ont souligné l'urgence de trouver de nouvelles recettes face à des dépenses dont l'augmentation est rendue inéluctable par le vieillissement de la population. "On parle beaucoup de rogner sur les dépenses et on ne parle jamais des recettes. Or, tous les experts s'accordent pour dire que les dépenses de santé ont vocation à augmenter d'un point un point et demi au-dessus du PIB", a déclaré à l'AFP le président du principal syndicat de médecins libéraux (CSMF), Michel Chassang. "Il y a peut-être des recettes à aller chercher ailleurs qu'en taxant exclusivement le travail. Aujourd'hui, il y a des gens qui vivent très bien par des revenus autres que ceux du travail", a déclaré le président de l'Association française des diabétiques (AFD), Gérard Raymond.
Au delà, M. Roekeghem attend près d'un milliard d'euros d'économies sur les tarifs de certains médicaments, dont des génériques, ou produits de santé, et d'une diminution des tarifs de radiologie et biologie médicale, a-t-il dit à l'AFP. Il entend aussi limiter les prescriptions de transport (ambulances) ou d'arrêts maladies. Mais le message est quelque brouillé du côté de la Cnam. Dans un communiqué laconique diffusé mardi après-midi, elle assure ainsi qu'elle "n'envisage aucunement de remettre en cause la prise en charge à 100% pour les affections de longue durée", soulignant que "l'enjeu est au contraire de pouvoir continuer à prendre en charge intégralement les soins délivrés aux patients souffrant de maladies graves".
Reste désormais au gouvernement de trancher. Interpellée à l'Assemblée nationale, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, s'est gardée de se prononcer, mais a qualifié d'"immoral" le déficit de la Sécu. "Nous avons demandé à l'assurance maladie de nous faire des propositions", elles seront examinées "dans les semaines qui viennent", a pour sa part déclaré le ministre du Budget, Eric Woerth.